On Kawara, JULY 20, 1969, 1969 (Courtesy de l'artiste et David Zwirner Gallery)
C'est peut-être l'un de mes disques fétiches. L'un de ceux que je garde précieusement, toujours proche de moi. Non pas que je l'use à n'en plus finir, ça serait faux. Disons que je le sors
quand j'en ai besoin.
Quand j'en ai besoin ?
Oui, car je considère qu'une part du bonheur consiste à avoir toujours le bon disque à écouter pour coller à son humeur. Et dans la grande B.O de ma vie, "
Sakura" tient réellement une place de choix pour illustrer les moments de calme, de douceur et de sensibilité.
"
Sensibilité", c'est le mot qu'utilise
Mark Richard-San, de Pitchfork, pour décrire cet album. C'est bien vu. L'esprit lancinant, doucement rythmé et nappé, qui se dégage globalement de cet album peut être traduit par "
sensibilité". Du reste, le meilleur mot pour qualifier cet album, c'est encore l'auteur qui l'a trouvé : son titre, "
Sakura", "la fleur de cerisier". Car la fleur de cerisier, aussi magnifique et douce est-elle, exerce une fascination ancestrale au pays du soleil levant à travers son symbole de "beauté éphémère". Grosso modo, la vie est considérée comme belle et courte, un peu comme une fleur de cerisier, qui se disperse très vite.
Dans le cas présent, la "beauté éphémère" dure entre 45 et 50 minutes, divisées en 12 morceaux qui se succèdent (presque) parfaitement dans les sonorités et les ambiances. C'est aérien, doux, fragile. Et ça transporte.
Ça y est, j'ai lâché la bombe. "
Ça transporte". C'est typiquement le genre d'expression qui me gave, ça, "
ça transporte". Ça veut tout et rien dire. En l’occurrence, ça "
happe l'esprit", quelque chose comme ça. J'évite soigneusement le "fait voyager", car finalement, y'a peu ou même pas de sonorités japonaises dans ce disque. Ce sont des nappes de clavier sur lesquelles des notes de piano, guitare ou même harpe atterrissent. Des choses très "
ambient" qu'on retrouve, par exemple, chez Pan American, Brian Eno. C'est... méditatif? Ou du moins, apaisant.
"
Sakura" est un disque que j'aime écouter à la fin d'une longue journée assez harassante ou quand le ciel est gris et bas. Il prend une dimension presque... épidermique. C'est un truc physique, un peu comme si les sons se glissaient sous ma peau pour la faire vibrer, puis la tranquilliser, alors que les beats -eux- bloquaient mon esprit contre toute autre notion étrangère à la douceur et au calme. Ça ne fonctionne pas tout le temps, mais c'est inscrit dans ma liste de petits bonheurs quotidiens quand, en hiver, avant la douche et avec peu de lumière, tu appuies sur play. Effet instantané.
Musicalement, je l'ai plus ou moins sous-entendu, tout n'est pas parfait. Finalement, si on écoutait ce disque d'une manière détachée, je comprendrais qu'on me dise qu'il ne s'y passe pas grand chose.
Mais voilà, ce qui est bien, avec la musique, c'est que (souvent), ça dépasse largement le simple enchevêtrement de sons. Je ne peux trop vous parler d'un morceau en particulier (en plus, les noms en japonais, on s'y perd vite), l'ensemble étant particulièrement cohérent et montant progressivement en intensité. A part peut-être "
Hisen", la 7e plage de cet album (j'ai un attachement très particulier aux plages 7, souvent excellentes) dont la ligne de basse me fait toujours penser à une traduction musicale d'un feu d'artifice.
Et j'aime beaucoup les feux d'artifice.
Elie